Mise en conformité de la CRSD : un nouveau rôle dans la transition bas carbone pour les assureurs

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Charles COZETTE
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La directive européenne sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) redéfinit les exigences de transparence pour les entreprises, y compris dans le secteur de l’assurance. Cette initiative s’inscrit dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, soulignant un engagement accru des entreprises dans la transition bas-carbone. 

Pour les assureurs, qui jouent un rôle clé dans la gestion des risques liés au climat, cette directive impose de nouvelles obligations de rapport, mais offre également une opportunité de renforcer la confiance avec les clients et les investisseurs grâce à une communication claire et vérifiable sur les impacts environnementaux et sociaux.

Calendrier de mise en application de la CSRD (sources : AMF et Climate Seed)

La CSRD introduit le concept crucial de double matérialité, qui représente un changement fondamental dans l'approche du reporting extra-financier. Ce principe oblige les entreprises à considérer deux aspects essentiels : d'une part, la matérialité d'impact, qui concerne les effets de l'entreprise sur l'environnement, la société et l'économie ; d'autre part, la matérialité financière, qui englobe les risques et opportunités liés à la durabilité susceptibles d'affecter la performance financière de l'entreprise. Cette approche pousse les assureurs à élargir leur domaine de vigilance, en prenant en compte non seulement leurs propres enjeux financiers, mais aussi leurs externalités et leur rôle sociétal au sens large.

Les ESRS, élaborés par l'EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group), définissent le contenu précis des informations à publier dans le cadre de la CSRD. Ces standards couvrent un large éventail de sujets, organisés en plusieurs catégories complémentaires. Les ESRS transversaux établissent les principes généraux, abordent la stratégie, la gouvernance et l'évaluation des impacts. Les ESRS environnementaux se concentrent sur des enjeux cruciaux tels que le changement climatique, la pollution, la gestion de l'eau et des ressources marines, la préservation de la biodiversité et l'économie circulaire. Les aspects sociaux sont traités dans des ESRS dédiés, couvrant la main-d'œuvre, les communautés affectées, ainsi que les consommateurs et utilisateurs finaux. Enfin, les ESRS de gouvernance s'attachent à la conduite éthique des affaires. Cette structure complète vise à fournir une image exhaustive de la performance durable des entreprises.

Les différentes normes ESRS en fonction des obligations de reporting (Source : EFRAG)

Pour se conformer aux exigences de la CSRD, les assureurs devront collecter et analyser des données couvrant les dimensions environnementales, sociales et de gouvernance. 

Sur le plan environnemental, cela implique un suivi détaillé des émissions de gaz à effet de serre (incluant les scopes 1, 2 et 3), de la consommation d'énergie avec un accent sur la part des énergies renouvelables, ainsi que de l'utilisation des ressources comme l'eau et les matières premières. Les impacts sur la biodiversité et la gestion des déchets dans une optique d'économie circulaire font également partie des points d'attention.

Du côté social, les assureurs devront rendre compte de leurs efforts en matière de diversité et d'inclusion, couvrant des aspects tels que l'égalité des genres, la représentation des différentes tranches d'âge et l'intégration des personnes en situation de handicap. La santé et la sécurité au travail, les programmes de formation et de développement des compétences, ainsi que le respect des droits humains tout au long de la chaîne de valeur seront scrutés. L'engagement communautaire des entreprises fera aussi l'objet d'un reporting détaillé.

En matière de gouvernance, la CSRD exige des informations sur la composition et la diversité des organes de direction, les politiques de rémunération intégrant des critères ESG, les mesures d'éthique des affaires et de lutte contre la corruption. La gestion des risques ESG et la qualité du dialogue avec les parties prenantes seront également évaluées.

Spécifiquement pour le secteur de l'assurance, le reporting devra aborder l'intégration des critères ESG dans les politiques de souscription, le développement de produits d'assurance durables, et la stratégie d'investissement responsable, notamment son alignement avec les objectifs de l'Accord de Paris. La gestion des risques climatiques dans les portefeuilles et l'évaluation de l'impact environnemental des sinistres, particulièrement dans des domaines comme l'automobile, feront l'objet d'une attention particulière.

La mise en conformité avec la CSRD représente un défi majeur pour les assureurs en termes de collecte et d'analyse de données. Il s'agit tout d'abord de mettre en place des systèmes robustes et fiables pour recueillir une multitude d'informations extra-financières, souvent dispersées au sein de l'organisation ou même chez des partenaires externes. Parallèlement, les assureurs doivent développer des indicateurs pertinents et comparables, capables de refléter fidèlement leur performance ESG tout en permettant des comparaisons sectorielles.

Cette transition nécessite également un important effort de formation des équipes, afin qu'elles comprennent les enjeux ESG et sachent interpréter et utiliser efficacement ces nouvelles données dans leurs processus décisionnels. L'assurance de la qualité et de l'auditabilité des données représente un autre défi, crucial pour répondre aux exigences de vérification externe imposées par la CSRD. Enfin, l'intégration effective de ces données ESG dans les processus opérationnels et stratégiques de l'entreprise constitue peut-être le défi le plus complexe, nécessitant une évolution profonde de la culture d'entreprise et des pratiques managériales.

La CSRD marque une étape importante vers une plus grande transparence et responsabilité des entreprises en matière de durabilité. Pour le secteur de l'assurance, elle représente une opportunité de renforcer son rôle dans la transition écologique et sociale.

[1] PwC. (2023). Veille CSRD. 

[2] (2023). Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d'informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d'entreprise des sociétés commerciales. [Lien].

[3] Deloitte. (2024). Insurance CSRD Benchmark 2024. [Lien].

[4] ​​Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance. (n.d.). La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Portail National de la RSE. [Lien]