Nouvelles règles européennes d'économie circulaire automobile : une nouvelle étape pour la filière VHU

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Charles Cozette
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L'adoption par le Parlement européen des nouvelles règles d'économie circulaire automobile le 9 septembre 2025 marque une nouvelle étape pour l'industrie européenne du recyclage automobile. Adoptées par 431 députés contre 145, avec 76 abstentions, ces réglementations établissent un cadre ambitieux au monde pour transformer l'ensemble du cycle de vie des véhicules, de leur conception à leur traitement final.

Figure 1 Communiqué de presse
Source :
Parlement européen

Les nouvelles dispositions imposent des objectifs contraignants inédits : au moins 20% de plastique recyclé dans chaque nouveau type de véhicule dans les six ans suivant l'entrée en vigueur, avec un objectif d'au moins 25% d'ici 10 ans. Cette transformation réglementaire intervient dans un contexte où 285,6 millions de véhicules à moteur circulent dans l'UE et 6,5 millions sont mis au rebut chaque année.

Un cadre réglementaire ambitieux pour l'économie circulaire

La nouvelle réglementation remplace intégralement la directive actuelle sur les véhicules hors d'usage, introduisant des concepts novateurs qui facilitent le recyclage automobile. Les véhicules neufs devront être conçus de manière à faciliter l'enlèvement du plus grand nombre possible de pièces et de composants par des installations de traitement autorisées, favorisant la réutilisation, le recyclage et la remanufacture.

L'introduction de la responsabilité élargie des producteurs constitue l'une des innovations majeures du texte. Trois ans après l'entrée en vigueur des nouvelles règles, les constructeurs auront une responsabilité élargie de producteurs, c'est-à-dire qu'ils devront assumer les coûts de collecte et de traitement des véhicules qui ont atteint leur phase de fin de vie. Cette mesure responsabilise directement les fabricants sur l'ensemble du cycle de vie de leurs produits.

La réglementation renforce également les contrôles sur les exportations de véhicules, visant à une meilleure distinction entre les véhicules d'occasion et les véhicules hors d'usage, avec une interdiction d'exportation pour ceux qui sont considérés comme des véhicules hors d'usage. Cette disposition s'attaque au problème des filières d'exportation illégales qui privent l'Europe de matériaux valorisables.

 Impacts sur la filière des centres VHU

La filière européenne des véhicules hors d'usage (VHU), qui traite environ 4,7 millions de véhicules annuellement et atteint des taux de valorisation de 94,4% et de recyclage de 89,1%, se trouve confrontée à une transformation structurelle sans précédent. Les nouvelles exigences de conception pour la circularité imposent aux centres VHU de développer de nouvelles compétences techniques pour optimiser la récupération de matériaux spécifiques.

Figure 2 Filière des véhicules sinistrés et en fin de vie en France 
Source : Propre réalisation

L'électrification croissante du parc automobile ajoute une complexité supplémentaire. Le traitement des batteries de véhicules électriques nécessite un équipement spécialisé, des équipes de techniciens certifiés, comparé aux processus traditionnels de démantèlement. La filière reste immature. Cette évolution technologique représente un défi d'adaptation majeur pour les opérateurs, tout en ouvrant de nouvelles voies de valorisation.


Les centres VHU doivent également s'adapter aux nouvelles exigences de traçabilité et de reporting. La mesure des émissions évitées grâce à la production de pièces de réemploi devient un enjeu central, nécessitant des outils de quantification précis pour démontrer la contribution environnementale de leurs activités.

Défis technologiques et organisationnels pour la transition

La mise en œuvre de ces nouvelles exigences nécessite une modernisation technologique importante de la filière. Les centres VHU doivent intégrer des technologies avancées : systèmes de traçabilité numérique, équipements spécialisés pour le traitement des véhicules électriques, et outils de mesure environnementale pour quantifier les émissions évitées.

La digitalisation devient incontournable avec l'introduction progressive de "passeports véhicules" numériques qui documenteront la composition matérielle et les impacts environnementaux tout au long du cycle de vie. Cette transformation numérique permet une optimisation des flux de matériaux et une valorisation des bénéfices environnementaux de la filière.

Les enjeux de formation du personnel sont également cruciaux. La manipulation des véhicules électriques requiert des compétences spécialisées en sécurité électrique et en gestion des risques chimiques, nécessitant des programmes de formation adaptés pour l'ensemble des acteurs de la filière.

Implications économiques et concurrentielles

Le marché européen de l'économie circulaire automobile est projeté pour atteindre 100,25 milliards de dollars d'ici 2034, traduisant une dynamique de croissance soutenue portée par les nouvelles exigences réglementaires.

Les centres VHU les plus performants pourront bénéficier de cette croissance en développant leurs capacités de traçabilité et de quantification environnementale. La capacité à démontrer et valoriser les émissions évitées devient un facteur différenciant majeur, permettant de justifier la valeur ajoutée environnementale des activités de réemploi.

La concurrence s'intensifie également avec l'arrivée de nouveaux acteurs technologiques proposant des solutions d'optimisation et de mesure. Cette dynamique concurrentielle stimule l'innovation et accélère la modernisation de l'ensemble de la filière.

Perspectives d'évolution et enjeux futurs

L'horizon 2030-2035 dessine une filière VHU profondément transformée, intégrée dans une économie circulaire automobile mature. Les objectifs contraignants de contenu recyclé créent une demande garantie pour les matériaux de haute qualité issus du démantèlement, stabilisant les modèles économiques de la filière.

L'évolution du parc automobile vers l'électrique modifie également les flux de valeur. 630 000 tonnes de batteries lithium sont attendues dans les centres VHU dans les 10 prochaines années, représentant de nouveaux gisements de matériaux critiques à valoriser.

La mesure et la valorisation des émissions évitées deviennent des compétences centrales pour justifier la contribution climatique de la filière. Cette capacité de quantification environnementale permet aux acteurs du recyclage automobile de démontrer leur rôle essentiel dans la décarbonation européenne.

Conclusion

Les nouvelles règles européennes d'économie circulaire automobile représentent une rupture historique qui transforme structurellement la filière des véhicules hors d'usage. Au-delà des défis d'adaptation technique et organisationnelle, ces réglementations positionnent la filière VHU comme un acteur central de la transition environnementale européenne.

La réussite de cette transformation nécessite une montée en compétences généralisée sur les enjeux de circularité, de mesure environnementale et de traçabilité numérique. Les acteurs qui anticiperont ces évolutions et développeront les capacités adaptées bénéficieront pleinement de la dynamique de croissance d'un marché européen de l'économie circulaire automobile appelé à dépasser les 100 milliards d'euros d'ici 2034.

Cette mutation de la filière VHU illustre plus largement la transformation de l'industrie européenne vers des modèles économiques durables, où la performance environnementale devient un facteur clé de compétitivité et de création de valeur.

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